Quand le patrimoine s’invite au fil des rivières

Le cœur de l’Eure-et-Loir pulse tout autrement lorsqu’on l’emprunte en roue libre, sur les traces des anciens nobles et notables, là où la Berthe et la Ronne dessinent entre bois, prairies et vallons un paysage que le temps semble hésiter à bousculer. Quiconque a déjà effleuré de la main les vieilles pierres d’un manoir caché derrière une haie de tilleuls sait : l’émotion ne se photographie pas, elle se traverse.

Entre ces deux rivières discrètes, l’itinéraire cyclotouriste promet bien plus qu’un simple détour : ici, chaque manoir raconte une page d’histoire, chaque chemin creux fleure l’authenticité. Pour ceux qui rêvent de découvrir le patrimoine tout en pédalant, cet itinéraire est fait pour eux.

Présentation de l’itinéraire : entre tradition et grand air

Impossible de parler de cyclotourisme en Eure-et-Loir sans évoquer cet itinéraire confidentiel, long d’environ 45 km, reliant Saint-Luperce (aux sources de la Berthe) à Flacey (près de la Ronne), et serpentant à travers le pays chartrain.

  • Distance totale : Environ 45 km (aller-simple)
  • Dénivelé positif cumulé : 260 mètres (accessible aux cyclistes amateurs)
  • Temps estimé : Comptez entre 3h et 4h selon le rythme et les arrêts découverte
  • Type de voie : Petites routes de campagne, chemins de halage, quelques passages boisés
  • Saison idéale : De mai à septembre, quand les manoirs se parent de leur plus belle verdure

Le parcours, balisé principalement par les offices de tourisme locaux (Chartres Tourisme), alterne entre routes faiblement fréquentées et portions bucoliques, tout en longeant ou croisant les deux rivières. Recensez au passage cinq manoirs, aux histoires tantôt mystérieuses, tantôt hautes en couleur, qui font la renommée discrète de la région.

Top 5 : Les manoirs à ne pas rater sur l’itinéraire

  1. Le Manoir de la Fresnaye (Saint-Luperce)

    Inscrit aux Monuments historiques, il s’agit d’un exemple rare de manoir rural du XVe siècle, réputé pour son porche et ses colombages. On raconte qu’il a accueilli différentes familles de hobereaux, dont les armoiries tapissent encore l’entrée. Rares sont les occasions de le visiter : lors des Journées du Patrimoine surtout (source : Base Mérimée).

  2. Le Manoir de la Sée (Ermenonville-la-Petite)

    Discret derrière ses douves en eau, ce manoir du XVIe siècle affiche encore une tourelle d’escalier admirable. Il servait, dit-on, de poste d’observation lors des guerres de religion (témoignage local recueilli par la Communauté de communes d’Éole en Beauce).

  3. Le Manoir de la Roncière (Fains-la-Folie)

    Restauré au début du XXe siècle, il propose une architecture mêlant influences Renaissance et éléments intérieurs Art nouveau, ce qui est assez rare pour un manoir rural. La grille, en fer forgé, provient d’un atelier chartrain réputé.

  4. Le Manoir du Petit-Courtillier (Dangers)

    Véritable joyau, il présente une remarquable façade en pierre blonde et une petite chapelle attenante. Selon l’historien Marcel Lecoq, le manoir fut le théâtre de rencontres secrètes de membres de la résistance durant la Seconde Guerre mondiale.

  5. Le Manoir de Flacey (Flacey)

    Ultime étape au bord de la Ronne, il séduit par ses jardins à la française, souvent ouverts lors d’événements locaux. Ici encore, la légende veut que les souterrains relient le manoir aux anciennes fermes alentour : un souvenir des temps troublés.

Certains de ces manoirs appartiennent toujours à des familles privées. Respectez donc leur intimité : de l’autre côté des haies, seules les pierres vous livreront leurs secrets…

Suggestions pour une halte réussie

  • Pause pique-nique : À mi-parcours, le lavoir de Prasville constitue un lieu paisible pour sortir la nappe et le pain frais.
  • Observations nature : Entre Ermenonville-la-Petite et Fains-la-Folie, la vallée offre une belle diversité : hérons, martin-pêcheur ou chevreuils à l’orée du bois (source : LPO Eure-et-Loir).
  • Points forts photographiques : Les hameaux de Dangers et leur enfilade de tilleuls en fleurs valent, au printemps, une halte photo inévitable.

Informations pratiques pour l’organisation de votre sortie cyclotouriste

Préparation et équipements conseillés

  • Vélo bien révisé (préférer un VTC ou un vélo gravel pour les portions de chemin non goudronnées)
  • Kit de réparation (crevaison classique sur chemins calcaires et silex occasionnels sur certains tronçons)
  • Pensez à embarquer une paire de jumelles pour admirer les rapaces ou surveiller les cigognes, qui parfois nichent sur les bâtiments anciens
  • Réserve d’eau : points de remplissage à Saint-Luperce, Dangers et Flacey
  • Carte papier ou application GPS hors ligne : la couverture réseau peut être aléatoire dans les creux
  • Gilet haute visibilité conseillé, même si la circulation reste faible, pour les quelques traversées routières

Venir et repartir : accès et transports

  • Départ conseillé : Saint-Luperce, accessible par TER depuis Chartres (embarquement vélo gratuit selon les horaires : voir TER Centre-Val de Loire)
  • Arrivée : Flacey n’est desservi que par des cars scolaires, le retour peut s’effectuer en vélo par un itinéraire parallèle ou en récupérant une voiture laissée sur place
  • Parkings disponibles à Saint-Luperce et Flacey, attention au stationnement en période de fête locale

Astuces logistiques

  • Prévenez toujours de votre parcours un proche (zone peu desservie, vigilance de rigueur). La majorité du parcours est en campagne, peu fréquenté.
  • L’itinéraire est praticable en VAE (vélo à assistance électrique), ce qui facilite le trajet pour tous les publics.
  • Profitez des hébergements “Accueil vélo” à Chartres et Brou si vous prolongez votre séjour (France Vélo Tourisme).

Anecdotes et petites histoires des manoirs

  • En 1832, le Manoir de la Fresnaye aurait hébergé une colonne de soldats lors des soulèvements paysans chartrains, qui cherchaient abri dans ses dépendances (Archives départementales d’Eure-et-Loir).
  • Le propriétaire du Manoir de la Roncière, botaniste du siècle dernier, serait à l’origine de l’introduction de plusieurs espèces rares de magnolia visibles aujourd’hui dans le parc.
  • Il circule encore, dans certains villages affluent de la Ronne, de farfelues histoires de trésors cachés dans les souterrains reliant les manoirs : rien d’avéré, mais des anecdotes parfaites à raconter à vos compagnons de route.

Prolonger l’aventure : variantes et curiosités autour de l’itinéraire

  • Variante gourmande : Faites un crochet par la chèvrerie de Prasville (ouverte les week-ends d’avril à septembre), pour goûter un fromage fermier local : parfait pour le pique-nique.
  • Patrimoine religieux : Sur la route, les églises de Dangers et Flacey réservent quelques vitraux du XIX siècle, rarement évoqués dans les guides.
  • Passionnés de botanique : L’ancien verger du Manoir de Flacey abrite toutes sortes de fruitiers, dont la célèbre griotte d’Eure-et-Loir, retrouvable en confiture chez les producteurs locaux.
  • Flore spécifique : Les prairies entre la Berthe et la Ronne sont l’un des rares milieux d’Eure-et-Loir où l’on croise encore de l’ail des ours et l’orchis mâle (source : Conservatoire botanique du Bassin parisien).

Vivre le patrimoine à la pédale, un plaisir accessible à tous

Découvrir les manoirs d’Eure-et-Loir à bicyclette, entre la Berthe et la Ronne, c’est s’offrir la rencontre entre histoire et liberté. Ce parcours, à la fois exigeant pour sa longueur et généreux par ses découvertes, allie plaisirs sensoriels – l’odeur du foin coupé, les lumières rasantes du soir sur les façades – et émotions patrimoniales. Idéal pour s’initier au cyclotourisme, il ouvre la porte à une immersion douce, ponctuée de pauses inspirantes et de secrets à guetter derrière chaque bosquet.

Laissez le vent et la curiosité guider vos roues : chaque détour promet une pépite à qui sait regarder au-delà des grilles. Les manoirs entre Berthe et Ronne ne se livrent pas à tous, mais à ceux qui, le temps d’une balade, veulent mêler nature, patrimoine et plaisir simple de la route.

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